La science l'avait quasiment condamné. La science lui «a apporté le
réconfort». Il y a quinze ans, le paléontologue américain Stephen Jay Gould apprend qu'il est atteint d'un cancer rare et «irrémédiablement fatal». Le verdict est effrayant: «survie médiane de huit mois». Pourtant, aujourd'hui, Gould est plus que jamais là, vivant et souriant. La semaine dernière, à Paris, il enchaînait les interviews à l'occasion de la sortie de son dernier livre L'éventail du vivant (1). Où il explique justement, démonstration et graphiques à l'appui, qu'on ne saurait badiner avec les statistiques, les moyennes, les tendances (lire ci-contre). Et de montrer que ce constat ne vaut pas seulement pour son «histoire personnelle» (il en a fait le titre de son 4e chapitre) mais pour toute l'histoire de la vie. «Mes connaissances en statistiques et en histoire naturelle m'avaient appris à traiter la totalité des variations comme une réalité fondamentale et à me méfier des moyennes, qui sont en définitive des mesures abstraites, inapplicables à un individu particulier ["]», explique le paléontologue. Et d'en tirer au moins deux leçons. D'abord, ne pas traduire: «survie médiane de huit mois» par: «je serai très probablement mort dans huit mois». Ensuite, écrire un livre où il serait question de tout l'éventail du vivant, et de toutes les erreurs d'interprétation à éviter lorsqu'on parle d'évolution. Et voici Gould affirmant, plus serein que jamais, que l'homme, malgré son grand nombre de neurones