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Interview

Claude Cohen-Tannoudji, prix Nobel de physique pour ses travaux sur les atomes froids, vante la recherche fondamentale. Et se livre avec retenue. «J'ai été attiré par l'élégance d'une théorie.»

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publié le 21 octobre 1997 à 10h22

Il est partagé. D'un côté, il se réjouit. La petite sonnerie de

l'ordinateur indiquant qu'un nouveau courrier électronique vient de tomber, depuis Dieu sait quel coin de la planète sur son bureau au coeur du Quartier latin, lui fait plaisir: «J'en reçois cinquante à l'heure, de Chine, d'Australie, des Etats-Unis, de Russie... C'est très touchant toute cette chaleur, tous ces compliments.» Et puis, dans le même temps, ce discret se crispe: quand il repense, par exemple, à la séance de pose qui a duré tout l'après-midi du jeudi, devant les photographes jouant des coudes, dans le sous-sol anormalement agité du laboratoire Kastler-Brossel (Ecole normale supérieure). «Et avec votre photographe, il va encore falloir arrêter le laser?» s'inquiète-t-il. Tout ça l'agace.

A 12 h 15 le mercredi 15 octobre, Claude Cohen-Tannoudji, 64 ans, a appris par un coup de téléphone très formel de l'Académie des sciences de Suède qu'il était prix Nobel de physique. Ce professeur au Collège de France était chez lui en train de préparer un cours pour la prestigieuse institution. Deux jours après (1), il est toujours sous le choc. La nouvelle vedette de la physique française ­ troisième Nobel de la décennie après Pierre-Gilles de Gennes en 1991 et Georges Charpak en 1992 ­ tout spécialiste qu'il soit de la lumière et de ses interactions avec la matière (lire ci-dessous), ne goûte qu'avec modération les feux de la rampe: «Bien sûr, je suis immensément heureux, mais depuis deux jours, je n'ai pas une min