«Un labo de chimie doit être propre. Ici, même le sol brille comme
la salle à manger d'une ménagère bretonne.» L'apparence de Jean Rouxel reflète l'esprit des lieux. Pas de détail qui accroche, pas de signe de désordre. Pas plus que d'infidélité à sa terre bretonne. Né à Brest il y a soixante-deux ans, ce père de cinq enfants dirige aujourd'hui l'Institut des matériaux de Nantes après avoir débuté sa carrière à Rennes. «Modeste, extrêmement réservé», jugent ses collègues et ses étudiants. C'est donc un homme discret qui vient de décrocher la médaille d'or du CNRS, un an après Claude Cohen-Tannoudji, le nouveau prix Nobel. Discret et inquiet, comme il l'avoue lui-même: «Lorsque je rentre dans un amphi, j'ai le trac. Autant qu'un très jeune chercheur et même probablement plus. Je suis angoissé à l'idée de décevoir mes pairs ou les étudiants qui sont venus m'écouter.» Mais le regard bleu du maître s'anime dès qu'il évoque les petits mystères de la science. Face à l'étrange éclat émis par l'aile des papillons, ce familier des grands industriels s'interroge «sur la chimie de ce pigment qui se joue sans cesse de la lumière» et se demande «comment l'huître construit sa coquille en bandes concentriques». Drôles de questions, car les insectes colorés et les mollusques goûteux ne sont pas près de s'aventurer sur les paillasses immaculées de l'Institut nantais" Ici on fait de la chimie, ni cosmétique, ni pharmaceutique, mais celle qui a «mauvaise presse en France». Celle des usines, d