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Libération

Le Pantanal, un paradis à vau-l'eau. Au Brésil, cette région d'étangs est menacée par la construction d'un canal.

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publié le 6 janvier 1998 à 17h47

Brésil, correspondance.

«Ici, c'est la nature qui dirige, les hommes s'adaptent.» Nenio de Campos, 60 ans, le visage plissé et les jambes arquées par des années de cavalcades, scrute l'horizon. La rivière, immense, les rives couvertes d'une tignasse verte et, plus loin, des centaines de vaches trop maigres. Des milliers d'oiseaux piquent en flèche vers les eaux vertes, harponnant des poissons dans un froissement d'ailes. Entre les Andes boliviennes, les plateaux de l'ouest brésilien et le Paraguay, se niche le Pantanal, une région vaste comme la moitié de la France. Cet Eden où la nature a créé un écosystème unique au monde est menacé par un projet géant: l'Hydrovia, un canal de 3 442 kilomètres qui relierait le port de Caceres, dans le Mato Grosso, à celui de Nueva Palmira, en Uruguay. En brutalisant le lit du fleuve, il pourrait rompre le rythme des inondations annuelles du rio Paraguay à l'origine d'une faune sauvage sans égale.

Poissons et crocos. Chaque année, ce grand fleuve qui traverse le centre de l'Amérique latine inonde pendant six mois un bassin de 210 000 km2. En été, la région n'est plus qu'un lac géant d'où émergent quelques arbres, portant leur couronne d'oiseaux. En hiver, les eaux baissent, la terre réapparaît, verte savane ressuscitée. Mais sur les milliards de mètres cubes d'eau, moins de la moitié s'écoule par les rivières. Des myriades de mares et d'étangs stagnent durant des mois, s'évaporant peu à peu. Près de 230 espèces de poissons y barbotent: barb