«C'est la chance du débutant», s'amuse Franck Zal. Le jeune
biologiste, passé directement de sa thèse à Jussieu au laboratoire de biologie marine de l'université de Californie à Santa Barbara est tout excité devant l'aquarium pour le moins singulier inventé par James Childress, le directeur du labo. Le cylindre en métal hyperrésistant de un mètre vingt de long pour trente centimètres de diamètre, percé de hublots, contient une eau sous 300 bars de pression, celle qui règne par 3 000 mètres de fond, dans les océans. Il y injecte en permanence des gaz CO2, sulfure d'hydrogène, azote à des concentrations mortelles pour le commun des animaux. Cet étrange bocal est pourtant le lieu de vie, depuis la fin décembre, de bestioles extraordinaires que l'on ne pouvait observer vivantes, jusqu'à présent, qu'en plongeant dans les abysses.
C'est d'ailleurs ce que Franck Zal a fait, le 27 novembre 1997. Il inaugure alors une série de 22 plongées, à bord de l'Alvin, le sous-marin de recherche américain, en plein coeur du Pacifique oriental, au large du Mexique, par 9,5° Nord. Objectif: la dorsale océanique, une longue faille nord-sud à partir de laquelle se forme le plancher de l'océan. Par 3000 mètres de fond, la faille est piquetée de «fumeurs» des minigeysers d'où s'échappe une eau brûlante et lourdement chargée en minéraux et métaux toxiques. Découverte il y a vingt ans seulement, dans ces grands fonds que l'on pensait stériles, une faune extraordinaire vit de ce brouet brûlant et empo