«J'avais rêvé d'un village sans eau, sans électricité. Coupé. Isolé.
Pas trop grand, pour connaître tout le monde. Mon ami José Tec-Poot m'a dit: "Viens à Tabi. J'ai quitté Mexico en car et j'ai fini à pied quand la route s'est arrêtée.» C'était il y a vingt et un ans, et Michel Boccara, apprenti ethnologue, entamait son premier voyage en terre maya, au coeur du Yucatan, dans le municipio de Sotuta, Mexique.
Là-bas, à Tabi de Tab, qui signifie «le village de la mère cosmique» , l'homme a découvert «des cases avec des toits faits de graminées ou de palmes, tout un village perdu dans la forêt tropicale basse et touffue. Une communauté de cent familles qui, en majorité, continue à "manger la forêt. A chasser le cerf, le paca, l'agouti [des rongeurs, ndlr]. A abattre des arbres, à les brûler pour faire place nette avant de semer avec son xul, un bâton de bois prolongé d'une pointe de fer, des graines de maïs, courges et haricots. Comme il y a des siècles.»
Traditions. Là-bas, Michel Boccara, devenu depuis ethnologue au CNRS, regagne chaque année sa case pour plusieurs mois. Fabrique le pain cérémoniel que les hommes malaxent en quatre couches, comme les quatre coins du ciel, ou en treize, comme les treize couches du monde céleste. Parle le yucatèque, langue poétique où l'on ne dit pas «belle», mais «elle est belle à mes yeux», qui a donné le mot maya de may, qui signifie «parfum céleste». Odeur de miel, de piment. Ou encore de pet, symbole de force vitale et d'énergie pour l