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Bourbaki est mort, CQFD

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Exit Nicolas Bourbaki, ce cerveau collectif qui a modernisé les maths françaises après guerre? «Oui» affirme Pierre Cartier, scribe du groupe jusqu'en 1983. Il prononce l'éloge funèbre et dénonce l'assassin: Mai 68.
publié le 28 avril 1998 à 23h47

Bourbaki est mort!, assure l'un. Mais il compte encore! rétorque

l'autre. Nicolas Bourbaki, ce «mathématicien collectif» d'une dizaine de personnes né à la fin des années 30, ferait-il encore parler de lui? Après quinze ans de silence, il faut avouer qu'on l'avait déjà enterré ou presque. Fini, pensait-on, ce groupe mythique qui fit l'âge d'or des mathématiques françaises, et dont les membres ont trusté les médailles Fields, le Nobel de la discipline, dans les années 50 et 60 avec Laurent Schwartz, Jean-Pierre Serre ou Alexandre Grothendieck. Une moisson si belle qu'on accusa Bourbaki d'accaparer tous les postes prestigieux ­ Collège de France, Ecole polytechnique, Normale sup" ­ et de distribuer les autres. Qu'on lui prêta une influence décisive dans l'aventure des «maths modernes» (1). Lui qui fut, avant tout, l'auteur collectif des Eléments de mathématique, un monumental traité paru de 1939 à 1983, qui a pesé de tout son poids sur les étagères des bibliothèques universitaires du monde entier et de tout son dogme sur les mathématiciens. Nicolas Bourbaki, donc, dont la mort est proclamée par celui-là même qui, tout au long des années 70 et jusqu'en 1983, tint le double rôle de scribe et de doyen du groupe, Pierre Cartier.

La genèse «Oui, Bourbaki est mort», insiste Pierre Cartier. Professeur à l'Ecole normale supérieure, Pierre Cartier nous reçoit à l'Institut des hautes études scientifiques (IHES) de Bures-sur-Yvette dans l'Essonne, havre bucolique pour quelques happy few du