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Libération
Critique

L'affaire Sokal, blague à part

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Livres. Retour sur la polémique qui, partie d'un canular, opposa sciences «dures» et «molles».
publié le 6 octobre 1998 à 13h30

A l'heure où deux ouvrages de grande tenue sur le sujet paraissent simultanément dans les librairies françaises, il semble à tout le moins utile de rappeler les éléments de l'affaire Sokal. Au demeurant, les auteurs de ces deux essais ­ Yves Jeanneret d'un côté, Baudoin Jurdant et ses collaborateurs (1) de l'autre ­ partagent l'idée que le moment est venu d'en faire la synthèse et d'en tirer la leçon. C'est l'objet même de l'un et l'autre ouvrage (2), leur raison d'être: comme si le dossier était désormais bouclé ­ ce qui avait l'aspect un peu irritant d'un serpent de mer devrait plutôt figurer dès lors comme un serpent qui se mord la queue. Yves Jeanneret et Baudoin Jurdant estiment en effet nécessaire de reprendre cette aventure à sa racine. Or cette racine est scientifique, et sa conclusion est scientifique également.

Les faits sont donc les suivants: en avril 1996, Alan Sokal, professeur de physique théorique à l'université de New York, signe un article publié dans une revue d'études culturelles, Social Text, intitulé «Transgresser les frontières: vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique». Deux mois plus tard, il explique dans une autre revue, Lingua franca, que cet article de Social Text était un canular, destiné à mettre en évidence le manque de rigueur de deux champs disciplinaires en vogue aux Etats-Unis ­ les cultural studies et les science studies. A-t-il raison, a-t-il tort? Est-il bon, est-il méchant? A première vue, il a méchamment raison