Sur le mont Paranal, ce 23 septembre, la nuit chilienne est
parfaite. Noire, sèche, calme et froide. Une nuit d'astronomes, où rien ne s'oppose, ou presque, à la capture des photons voyageurs par les miroirs braqués sur l'Univers. Des miroirs, ici, on en comptera bientôt quatre. Des géants de 8,20 mètres de diamètre. Ensemble, ils forment le Very Large Telescope, la fenêtre sur le cosmos que les Européens construisent dans les Andes (1). Depuis juin, le premier du quatuor ne quitte plus les étoiles des yeux. Et, cette nuit-là, il moissonne pour une «première lumière». Le baptême du ciel d'un nouvel arrivé, un spectrographe construit par des astronomes allemands. Lourd de 2,3 tonnes, haut de 3 mètres et peu poétiquement baptisé Fors (2).
Durant seize minutes et demie, le télescope fouille la constellation d'Eridan. Et y déniche, à 100 millions d'années-lumière, une magnifique galaxie spirale. Résultat: l'image ci-contre, où les bras de gaz tourbillonnants de l'île-univers arborent, tels des bijoux, de jeunes étoiles bleues et des pouponnières stellaires, tandis que le coeur rouge est densément peuplé de vieilles stars. Coup d'essai, coup de maître. Dès la première tentative, le tandem formé par le VLT et Fors se place au premier rang des télescopes terrestres.
Mieux que Hawaii. «Euphoriques!» Les guetteurs de ciel européens sont au nirvana, selon l'astrophysicien Daniel Rouan (Meudon, CNRS). Ils touchent les premiers dividendes d'un lourd et parfois difficile investissement. Le