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Interview

Comptes et légendes. Symétries chez les Maoris, figures complexes chez les Bushoong d'Afrique et autres jeux logiques... La capacité à tenir un raisonnement mathématique est aussi partagée par les civilisations dites «sans écriture». L'ouvrage de l'Américaine Marcia Ascher sur l'ethnomathématique va à l'encontre des idées reçues sur les «sauvages» à «l'intelligence réduite».

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publié le 20 octobre 1998 à 12h10

C'est la fameuse histoire du loup, de la chèvre et du chou.

Impossible de ne pas la connaître, elle circule partout (Europe, Afrique, Amérique) et semble même avoir été colportée depuis la nuit des temps" ou presque. A la fin du VIIIe siècle, dans une lettre à son élève Charlemagne, le théologien Alcuin de York aurait été le premier à la formuler, indique l'Américaine Marcia Ascher, dans son récent ouvrage Mathématiques d'ailleurs (1). Un homme donc est bien embêté. Il doit transporter de l'autre côté d'un fleuve un loup, une chèvre et une tête de chou. Problème, son bateau n'est pas gros et il ne peut faire traverser qu'une seule charge à la fois. Or, pas question de laisser seuls la chèvre et le loup, ou la chèvre et le chou. Ou le renard et le bouc, le tigre et le mouton, la poule et le maïs" selon les variantes que l'énigme connaît, dans le folklore «gaélique, gallois, danois, russe, italien, roumain, saxon et afro-américain». Une seule chose est sûre, fait remarquer la mathématicienne Marcia Ascher (Ithaca College à Cornell, New York State), «de nombreuses populations différentes ont fait de cette énigme leur bien propre (") Mis en forme de défi logique (") le récit de ce problème témoigne du plaisir largement répandu que procure le jeu logique». Le plaisir partagé, très bien. Il y a plus. Ce que révèle cette histoire, c'est la capacité largement répandue, à travers toute la planète, à abstraire, raisonner, s'exercer à la logique, bref, à pratiquer ce que l'on voudra bi