Disciple de Claude Lévi-Strauss, auteur du best-seller les Lances du
crépuscule consacré aux Jivaros (lire ci-contre), l'ethnologue Philippe Descola a passé ces dernières années plusieurs longs séjours en pleine jungle de haute Amazonie. Redoutables réducteurs de têtes, ces Achuar («Gens du palmier d'eau», ainsi qu'ils se dénomment dans leur propre langue et non pas Jivaros, appellation des Blancs) font partie, tels les Pygmées ou les Esquimaux, des «sociétés archaïques», archétypes «exotiques» qui ont marqué l'imaginaire occidental. Seulement, on ne savait pas grand-chose d'eux. En les côtoyant, Philippe Descola a constaté que, pour eux, la «nature» n'existe pas. Ou plutôt que le clivage, établi par l'Occident entre «nature» et «culture», n'est plus pertinent. Aux plantes et aux animaux, les Achuar attribuent des caractéristiques de la vie sociale, les envisageant comme «sujets» plutôt que comme «objets». De son expérience dans la jungle amazonienne, Descola pense pouvoir rapporter des idées utiles ici. Ainsi, insiste l'anthropologue, «la coupure entre "nature et "société qui est au fondement de la cosmologie occidentale, semble ne plus rendre compte de façon adéquate de l'organisation du monde». Avant une conférence lundi au Collège de philosophie, intitulée «Le sauvage et le domestique» (1), l'anthropologue explique en quoi de nombreuses sociétés peuvent «nous inciter à revoir nos propres instruments d'analyse», non seulement «afin de mieux rendre compte de la manière don