Menu
Libération

La mémoire de la glace

Article réservé aux abonnés
Forages au pôle Sud pour retracer 500 000 ans d’histoire climatique.
publié le 22 décembre 1998 à 17h09

Sous les bottes fourrées, plus de trois kilomètres de glace. Au-dessus des bonnets, un ciel qui ne connaît pas la nuit durant les deux mois d’été austral. A perte de vue, la blancheur immaculée d’une neige qui tombe rarement mais ne fond jamais. L’immensité semble plate, mais forme un dôme de plusieurs centaines de kilomètres. Et là, au sommet de ce dôme, des hommes en parka rouge, plantés sur la neige durcie, devant des bâtiments rouge et blanc. Ici, se bâtit Concordia, station de recherche en plein coeur de l’Antarctique, le continent où l’homme ne s’autorise qu’une activité depuis le traité de 1959: la science. Cette année, annonce Gérard Jugie, directeur de l’Institut français de recherche et de technologie polaire (IFRTP), «nos techniciens vont planter ici la graine d’un grand projet: les fondations d’une base qui sera habitée en permanence à partir de 2003». Et depuis l’an dernier, une équipe européenne y fore la glace l’été. Objectif: atteindre le roc, pour la première fois, 3 300 mètres plus bas. De quoi récupérer 500 000 ans d’archives climatiques, avec une précision inédite. Dénicher, dans les «bascules climatiques» d’hier, des clés pour prévoir celles de demain. Car la glace, au cours des âges, a emprisonné des millions de minuscules bulles d’air qui conservent la trace des climats. Depuis fin novembre, après la longue nuit de l’hiver, Concordia revit. Venus de la base italienne de Terra Nova Bay, une vingtaine de glaciologues, chimistes, physiciens, foreurs, e