André Dubreuil, retraité, maire de Conteville en Normandie, ne
s'attendait pas à se retrouver en vedette au Muséum d'histoire naturelle de Paris, quand, un beau jour de 1994, en retournant son terrain, il est tombé sur une drôle de pierre de couleur orangée. Des empreintes de crocs l'intriguent. Comme il est tenace, il part en quête d'une explication. Un paléontologue de l'université de Caen lui confirme qu'il ne s'agit pas de dents de crocodile. Il trouve mieux: c'est du dinosaure. Et, encore mieux, un carnivore du jurassique moyen (160 millions d'années), une espèce dont on ne sait presque rien. Plus pour longtemps.
Ce nouveau venu, baptisé du nom impossible de Poekilopleuron, a un lien direct avec le tout premier dinosaure découvert en Europe. Et son étude, selon Philippe Taquet, directeur du laboratoire de paléontologie du Museum, résoudra une énigme vieille de plus de 160 ans: s'agit-il bien du même carnivore? Bref, c'est un rêve de paléontologue. «Il y a 160 millions d'années, raconte Philippe Taquet, la terre était envahie par l'eau, Normandie et Grande-Bretagne avaient la forme d'un immense delta, avec des méandres et des crocodiles. En bordure vivaient des dinosaures à museau long.» Le tout premier a refait surface en Grande-Bretagne, en 1824. Un chanoine excentrique nommé William Buckland trouve à Stonefield, près d'Oxford, une mâchoire qui ne correspond à rien de connu. Lorsqu'il met la main sur d'autres ossements, il pense à un lézard de deux mètres de haut et le n