Brest envoyé spécial
«Là, je vois le Déluge!» Gilles Lericolais éclate de rire. Mais le doigt du géologue pointe un drôle d'objet. Posé sur une grande table du labo de géosciences marines de l'Ifremer, près de Brest, il ne paye pas de mine. Un demi-cylindre de 50 centimètres de long. De la vase marron et très humide en haut, une sorte de terreau grisâtre, parsemée de coquilles et presque sèche en bas. Le tout dans son conteneur en aluminium. Une «carotte», comme disent les spécialistes des entrailles de la Terre. Forée au large de l'embouchure du Danube, en mer Noire, lors d'une mission dirigée par Gilles Lericolais, au printemps dernier (1).
Un trésor, cette carotte. Datées au carbone 14 radioactif par l'équipe de Bill Ryan, au laboratoire Lamont-Doherty de New York, les petites coquilles de mollusques qu'elle contient viennent à l'appui d'une théorie pour le moins médiatique. Selon le géologue américain, le Déluge celui du Noé de l'Ancien Testament comme celui du plus vieux poème épique connu, environ 2 700 ans avant J.-C., la saga de Gilgamesh d'Uruk en Mésopotamie serait le lointain souvenir, transformé par plus de deux mille ans d'histoire orale, d'un événement géologique. Le remplissage brutal de la mer Noire, il y a 7 500 ans, par les eaux de la Méditerranée. Alors lac d'eau douce fermé, au niveau inférieur d'environ 100 mètres à celui de l'océan, la mer Noire se serait «remplie» en quelques années voire en une seule, prétend l'Américain via un détroit du Bosp