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Libération

Un ver de terre bulldozer en Amazonie. En empêchant l'aération du sol, il a détruit des pâturages et les espèces qui y vivaient.

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par Mathilde LOCHER
publié le 23 mars 1999 à 0h14

Alors que les vers de terre européens sont parés de toutes les

qualités ­ réputés aérer les sols, ils aident à faire pousser les plantes ­, voici que le sud-américain Pontoscolex corethrurus fait figure de grand méchant. Selon les chercheurs de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), ce petit ver de terre aurait été le complice d'une catastrophe écologique survenue voilà près de cinq ans dans les pâturages de Manaus, au nord du Brésil. Véritable envahisseur sévissant entre la surface et 15 cm de profondeur, il a accentué les effets néfastes de la déforestation, sur plus de 10 millions d'hectares en Amazonie, en contribuant au compactage du sol, déjà écrasé par les engins transporteurs de troncs et les piétinements du bétail. Ingérant les agrégats du sol, il les réduit en effet en grains très fins, diminuant d'autant la porosité du sol, et donc son aération. «Alors, l'eau stagne et appauvrit le sol, explique le pédologue Michel Grimaldi. Cette hydromorphie s'installe jusqu'à plus de cinquante centimètres de profondeur, de façon irréversible même après la disparition des vers de terre.» De surcroît, ses turricules (sorte de crottes de terre fine en forme de tortillon) s'agglomèrent et forment une boue compacte à la surface du sol, qui vire à la croûte dure dès le retour de la saison sèche. Résultat: près de la moitié des pâturages sont mis à nu. Sans oublier une autre conséquence, pour le climat cette fois: la compaction du sol entraîne, en effet, une émission impo