Les êtres qui vivaient sur Terre il y a 2,34 millions d'années, humains ou non, n'étaient pas stupides, ne se contentaient pas de tapoter sur trois outils et puis d'aller voir ailleurs, comme on le pensait jusqu'ici. La découverte, au Kenya, de plus de 2 000 vestiges de pierre taillée rassemblés sur un espace de 17 m2 démontre qu'ils pensaient et organisaient leurs actions, qu'ils agissaient avec une maîtrise que l'on ne soupçonnait pas. Ce plus vieil atelier du monde provoque une petite révolution dans la conception du comportement de nos ancêtres, directs ou non. Et on la doit à une mission franco-américano-kényane dirigée par Hélène Roche, archéologue du laboratoire de préhistoire et de technologie du CNRS (1).
Paradis préhistorique. C'est à l'ouest du lac de Turkana, à 800 km de Nairobi, en juillet et août 1997, qu'a été découverte cette fabuleuse caisse à outils. Il faut deux jours pour parvenir sur le site de Lokalalei, un coin aride à la végétation rabougrie, sous le cagnard, dans les cours d'eau à sec qui mènent au lac Turkana. Les vingt personnes qui composent l'expédition, des Français, des Américains et des Kényans de la tribu Kamba, habitant la région ou travaillant au Musée national de Nairobi, s'y rendent avec trois voitures tout-terrain et un camion pour le matériel: il faut emporter tout le carburant, le matériel de cuisine et de travail, des panneaux solaires pour s'éclairer la nuit et maintenir un contact radio avec l'expédition la plus proche, en l'occurren