De Saint-Dié, où se tiendra en fin de semaine le Festival
international de géographie (1), on aperçoit les premières collines vosgiennes: des sapins et quelques pins recouvrent le massif du Kemberg qui domine la cité. Une forêt de résineux dans les Vosges, quoi de plus naturel? Erreur. Cette forêt est une pure création humaine. Au début du XIXe siècle, la ville était encore entourée de feuillus. Une forêt dégradée dont on utilisait le bois comme combustible pour les forges. Ce n'est qu'au milieu du siècle dernier que les forestiers replantèrent les collines gréseuses en résineux, y ajoutant même quelques châtaigniers et robiniers. Créant ainsi un paysage «naturel» typiquement vosgien.
Voilà une histoire qui devrait réjouir les milliers de géographes qui se retrouveront à Saint-Dié, soucieux qu'ils sont de réintroduire l'homme dans l'étude de la nature. «Il n'y a plus de vraies forêts naturelles en France», assure Paul Arnould, biogéographe à l'école normale supérieure de Saint-Cloud. L'idée d'une forêt «primaire», c'est-à-dire naturelle, le «hérisse»: «C'est un mythe, l'image de l'Eden avant que l'homme vienne foutre sa merde.» «Pour les géographes, la nature envisagée dans le sens de "ce qui n'est pas humanisé n'existe pas. Les traces des sociétés sont présentes partout», tranche Jean-Robert Pitte, président du Festival de géographie, dont la dixième édition est consacrée à la «nature».
Saint-Dié ne verra pas le triomphe des partisans de la géographie physique sur les adeptes