Il avait prévenu : après la morale, il parlerait de sexe. C'est chose faite. Dans son dernier ouvrage (1), le primatologue Frans de Waal a recueilli des données impressionnantes sur la vie sexuelle débridée des bonobos, une espèce proche mais différente des chimpanzés, découverte en 1929 et incorrectement appelés chimpanzés pygmés. Des données acquises depuis plus de trente ans, sur le terrain, dans la forêt de la République démocratique du Congo, seul endroit au monde où l'on ait repéré et suivi des bonobos, et en milieu captif, notamment au zoo de San Diego.
Frans de Waal, «l'Européen qui a réussi aux Etats-Unis», aujourd'hui chercheur à Atlanta, s'avoue très troublé par les bonobos, «un animal si proche de nous que la frontière s'estompe sérieusement», «s'ils avaient été connus plus tôt, les scénarios de l'évolution humaine auraient pu mettre l'accent sur les relations sexuelles, l'égalité entre mâles et femelles, l'origine de la famille» plutôt que sur la guerre, la chasse, l'emploi d'outils, apanages du chimpanzé en fonction desquels on a reconstitué une bonne part du comportement humain ancestral. Les bonobos forment une société exceptionnelle, qui semble régie selon Frans de Waal par «faites l'amour et pas la guerre». Dans cette société, les femelles jouent un rôle décisif, nouent des relations très fortes. Elles contrôlent les ressources alimentaires, dominent les mâles et ne se font guère concurrence excepté pour l'avenir de leurs