A l'occasion de la sortie de son livre Hummocks, Jean Malaurie nous
a reçus chez lui entouré de ses masques, statuettes, et herbiers inuits.
A la fin des 1 200 pages d'Hummocks, vous dites avoir peu progressé et vous avouez n'avoir pas assez écouté les Inuits. C'est une coquetterie?
Après trente-cinq missions dans le grand Nord, du Groenland à la Sibérie en passant par l'Alaska, je fais mienne la formule de Socrate: «Je sais que je ne sais pas.» Les Inuits sont un des peuples dits «premiers» les plus étudiés, mais aussi les moins bien compris. Longtemps, on les a regardés de côté et mal. La plupart des expéditions vers le grand Nord n'avaient pas pour but principal de les connaître et de les comprendre. D'ailleurs, au moins jusqu'en 1880, elles se sont souvent achevées en désastre parce qu'elles refusaient d'adopter les techniques des Inuits, on ne mangeait pas de morse, oh non! Dans leur orgueil, les officiers anglais faisaient tirer les traîneaux par leurs marins. N'importe quoi!
Que voulez-vous, moi j'ai totalement adopté le style de vie des Esquimaux. Pendant toutes ces années, je me suis fixé comme règle fondamentale d'être seul avec eux et avec les chiens, habillé comme eux, mangeant comme eux, dormant avec eux dans les igloos, corps contre corps, aux trois quarts nus bien qu'ils soient d'une incroyable pudeur je n'ai jamais vu un Inuit déféquer devant moi. Il fallait en passer par là pour finalement comprendre, au bout de quarante ans, petite touche par petite touche,