Bordeaux envoyée spéciale
D'un côté la rocade qui mène de Bordeaux à Arcachon, de l'autre un champ de maïs et au milieu un paysage tristement banal dans les Landes: cinq hectares de pins à terre. Mais les pins de cette parcelle ont été plantés là, en 1965, pour la science. Et mesurés tous les ans pour valider la sélection génétique dont ils ont fait l'objet. «Quel gâchis», soupire Antoine Kremer, directeur du laboratoire de génétique du centre de recherches forestières de l'Inra (1). «On ne peut plus rien en faire.» Trente-cinq ans de travail qui débouchent sur un arrêt brutal, imprévu dans le programme de recherche. «Et il va falloir les sortir de là très vite, car le bleu, un champignon, ne va pas tarder à s'installer. Ensuite, nous risquons des pullulations d'insectes qui peuvent se propager sur les peuplements voisins.» La tempête a ravagé un tiers des 330 hectares du site de l'Inra. Mais les chercheurs ne sont pas égaux devant le vent. Les arbres déracinés, coupés ou simplement ployés, très touchés dans certaines parcelles, intacts dans d'autres, représentent une manne d'étude inattendue. Pourquoi celui-ci est-il tombé et pas celui-là? Est-ce sa position géographique, son système racinaire? Dans cette région où la forêt plantée est une ressource économique, les biologistes travaillent essentiellement sur la qualité du bois, sa croissance en fonction de la destination des arbres (meubles, pâte à papier, etc.). Paradoxalement, la tempête les pousse à se pencher sur la