Le bulldozer de la génomique a encore frappé. En annonçant avoir
achevé le décodage du génome d'une personne (Libération de vendredi), Craig Venter a provoqué de vives réactions dans la communauté scientifique. Et une jolie hausse des actions de sa firme, Celera Genomics. Le titre avait été malmené en Bourse, après la déclaration de Bill Clinton et de Tony Blair appelant les chercheurs à mettre leurs travaux dans le domaine public. Publié jeudi juste avant l'ouverture de la séance de Wall Street, le communiqué de Celera a propulsé le titre vers des sommets. Un classique de la manipulation boursière, en dépit d'une annonce dont la teneur scientifique est contestée.
«Quels résultats ont-ils de plus aujourd'hui qu'il y a quinze jours?», s'interroge en effet Jean Weissenbach, qui dirige le Génoscope à Evry, un labo qui participe au projet international Human Genome (HGP). Depuis 1998, une course de vitesse s'est engagée pour la maîtrise de la carte du génome que Craig Venter, passé au privé en 1992, voudrait bien pouvoir breveter. Là-dessus, Jean Weissenbach ne mâche pas ses mots: «Il dispose de millions de pièces du puzzle du génome, et annonce qu'il va entamer l'assemblage. Il n'y a rien de nouveau à cela.» En privé, un autre chercheur du public concède qu'il ne faut y voir qu'une péripétie logique de la bataille qui s'est engagée il y a deux ans: «Craig Venter doit régulièrement rassurer ses actionnaires, et nous, convaincre nos bailleurs de fonds de continuer la course.» Un a