Au XIVe siècle, la peste noire a tué 25 millions d'hommes en Europe, près du tiers de la population. Mais la maladie n'a pas disparu avec le Moyen Age. Au début du XXe siècle, elle a tué des dizaines de millions d'hommes, y compris en Europe. Et elle tue encore aujourd'hui. Aux Etats-Unis, ses dernières victimes datent de 1996 et, depuis cinq à dix ans, il y a recrudescence de l'infection en Afrique, en Asie et en Amérique.
Voilà pourquoi l'article publié par Matt Keeling et Chris Gilligan dans la revue Nature (19 octobre 2000) est particulièrement intéressant. Ces chercheurs de Cambridge (Grande-Bretagne) ont mis au point un modèle mathématique qui explique les épidémies du passé et permet de prévoir celles de demain. Leur modèle s'appuie sur ce qui se passe dans les populations de rats. La forme la plus fréquente de la maladie (la peste bubonique) est en effet transmise à l'homme par la morsure de puces qui ont d'abord piqué des rongeurs infectés et transportent donc la bactérie Yersinia pestis. La peste est essentiellement une maladie des rats (des rongeurs en général, et parfois des chats). Elle ne passe chez l'homme que dans certaines circonstances: essentiellement quand les puces n'ont plus assez de rats à piquer.
Deux scénarios. Imaginez les égouts et les caves d'une grande ville, et les millions de rats qui habitent cette cité souterraine. Premier scénario: la proportion de rats susceptibles d'attraper la maladie (parce que non immunisés par une épidémie précédente) es