Rien n'avait pu l'arrêter. Ni la cécité (il n'y voyait plus guère depuis longtemps), ni la surdité (grandissante), ni l'âge (qui le savait nonagénaire?), ni même la perspective d'une mort dont il se doutait bien qu'elle l'attendait au coin de ce nouveau siècle ce mercredi matin à l'âge de 98 ans suite à un accident cérébral l'an dernier juste avant de repartir une énième fois pour le désert de Mauritanie. Exceptée cette anicroche tardive, rien n'avait jamais pu l'empêcher de crapahuter.
Antinucléaire. Piéton des sables et pierres des déserts, arpenteur du pavé de la paix dans le monde, manifestant du macadam parisien en faveur des sans-papiers, contre le Paris-Dakar et le nucléaire, Théodore Monod promenait ses pas dans l'existence avec une ardeur, une soif de chercher, de comprendre, de rencontrer jamais entravée par les pouvoirs, les forces de répression, la bêtise venue d'en haut (Hernu le traitait de «zozo»). Rien n'avait pu l'affadir, l'affaiblir, pousser au compromis raisonnable cet excessif, passionné de tout, rien, pas même la célébrité médiatique, cette machine à éroder les personnalités les plus tranchées. Théodore Monod, l'homme qui fit entrer le Sahara dans les salles à manger via le petit écran, et éleva au rang de conte les pans de science les plus rétifs au charme immédiat (telle l'anatomie de la queue des poissons téléostéens), resta lui-même: humain, merveilleusement humain. Qui d'entre nous n'a pas songé l'avoir pour père, pour amant ou