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Libération

L'Amérique s'en fait pour ses vieux os

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publié le 27 février 2001 à 23h11

Lorsqu'il y a quatre ans, en juillet 1996, Jim Chatters, anthropologue, a été appelé par le médecin légiste pour examiner quelques os trouvés au bord du fleuve Columbia, dans l'Etat de Washington, il croyait avoir affaire à un meurtre banal. Il ne s'attendait pas à se trouver plongé dans un conflit qui l'opposerait désormais aux Indiens et au gouvernement américain.

Car le squelette de l'homme de Kennewick (1), du nom de l'endroit où il a été découvert, est âgé de 9 000 ans: du très très vieux pour le Nouveau Monde. En plus, il présente des traits dits «caucasoïdes», c'est-à-dire européens: il ne serait pas un ancêtre direct des Indiens. Les scientifiques veulent étudier ces vieux os et comprendre l'histoire du pays. Mais les tribus indiennes, les native Americans, estiment, d'après leur tradition orale, qu'ils ont toujours habité cette terre, et que l'homme de Kennewick est donc un ancêtre qu'il faut laisser en paix et enterrer dignement. Science contre religion? Besoin d'affirmation d'une minorité contre une majorité? Un débat qui paraît surréaliste en France, où l'on n'imagine pas les paysans du Roussillon réclamer l'homme de Tautavel.

«Il pleurait beaucoup.» Un moulage et un film étaient présentés à Paris pour la première fois ce mois-ci. Car, enfermé dans une boîte au musée Burke de Seattle, le squelette original est inaccessible. Jim Chatters est le seul scientifique qui ait pu l'étudier d'un peu près.

En fouillant les rives du fleuve Columbia pendant l'été 1996, il avait