La police des moeurs scientifiques a bouclé hier une enquête de plus de trente ans. Pour conclure sur une nouvelle confusion des genres: le neutrino, la plus étrange des particules élémentaires, est bien un «ange transsexuel», selon le mot de Michel Cassé, astrophysicien au Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Il est donc capable de passer d'un état à l'autre chez les particules élémentaires, on connaît trois sexes différents, baptisés «saveurs».
Saluée comme «un grand succès» par Michel Spiro, phy sicien au CEA et pointure mondiale en ce domaine, l'expérience qui vient de livrer l'indice décisif de cette enquête s'est déroulée deux kilomètres sous terre, au fond d'une ancienne mine, située près de Sudbury (Ontario, Canada). Là, bien à l'abri des particules parasites de l'atmosphère, une centaine de physiciens canadiens, britanniques et américains, a installé un énorme détecteur. Objectif: résoudre le mystère des neutrinos solaires.
Déficit. Ici et maintenant, l'astre du jour est la principale source de neutrinos. Emis par les fusions nucléaires au coeur du Soleil, ils nous traversent au rythme de 65 milliards par cm2 et par seconde. Pourtant, depuis les années 60, les physiciens sont déconcertés par un curieux déficit. Leurs détecteurs ne captent qu'une partie du flux prédit par les astrophysiciens. Mais toutes ces expériences, japonaise (SuperKamiokande) et européenne (Gran Sasso, en Italie), ne détectaient qu'une des trois saveurs de neutrino, l'électronique, ne capta