A-t-on jamais vu un paysan nourrir son champ de luzerne d'engrais azotés? Non, et pour cause. Comme d'autres légumineuses, la luzerne a passé un contrat à vie avec une bactérie, la Sinorhizobium meliloti. Le deal? La plante, grâce à la chlorophylle et à l'énergie solaire, fournit les sucres à base de carbone. La bactérie, elle, renvoie l'ascenseur sous forme d'ammonium, fabriqué à partir de l'azote de l'air, inépuisable puisqu'il en constitue l'essentiel. Un rêve écologique. Qui permet de recharger un champ entre deux cultures de céréales. Ou de faire pousser au plus vite des acacias (l'acacia est une légumineuse...) dans les terroirs arides du Sahel. Plusieurs millions d'années de coévolution, entre plantes et bactéries, ont enfanté cette symbiose magique. Ne pourrait-on l'imiter?
«Rôle décisif». «Pourquoi pas», répond Francis Galibert, biologiste (CNRS Rennes). A l'initiative et à la tête d'un «consortium international», il vient de publier (1) le génome et une première analyse des gènes de Sinorhizobium. Une grosse affaire. D'abord par l'enjeu scientifique: il s'agissait de décrypter le patrimoine génétique d'une bactérie «d'un type exceptionnel qui joue un rôle décisif dans le cycle de la vie sur Terre», explique Francis Galibert. Mais aussi par l'ampleur de l'effort: cinquante-six chercheurs d'Europe, des Etats-Unis et du Canada , trois ans de travail acharné et environ 50 millions de francs. C'était le prix à payer pour séquencer le génome de Sinorhizobium.
Un succès