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Libération
Interview

«Les utopies technologiques se sont effondrées»

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publié le 18 décembre 2001 à 1h59

Ancien directeur général adjoint de l'Agence spatiale européenne (ESA), et ex-président du Cnes, André Lebeau a longtemps joué les premiers rôles. Revue de l'espace avec un esprit critique et indépendant.

Nous sommes en 2001, et pas d'odyssée de l'espace à l'horizon. Pourquoi?

Si l'on pense que la présence humaine dans l'espace est un objectif important, alors la conquête lunaire aurait dû se poursuivre avec un observatoire astronomique et des séjours temporaires. Pour acquérir les technologies permettant d'aller vers Mars, beaucoup plus difficile d'accès. A la place, nous avons aujourd'hui une station en orbite basse, sans objectifs scientifiques ou technologiques clairs. Et desservie par une navette inefficace et trop chère.

Tout cela résulte d'intentions politiques. L'origine de la station, c'est le projet «Freedom» lancé par Reagan pour faire pièce à la soviétique Mir. L'URSS ayant disparu, la Nasa a transformé un objet de rivalité en lieu de coopération. Ce n'était pas idiot. Pour le symbole et pour éviter une dangereuse diaspora des ingénieurs russes. Mais une logique rationnelle possible des vols habités a été phagocytée par cette logique politique.

Malgré la station, pas d'usine orbitale en perspective, erreur là aussi?

Plus personne n'y croit. Le seul matériau fabriqué là-haut, ce sont des billes de latex parfaitement sphériques... pour un marché mondial de 100 000 dollars. La navette a été conçue à l'époque où l'on rêvait d'usines en orbite, pour redescendre de lourdes