Aux confins d'un océan furieux, l'Antarctique est un vaste territoire livré à la science. Cinq fois par an, lors de l'été austral, l'Astrolabe effectue la rotation entre Hobart (Australie) et la base française Dumont-d'Urville, en terre Adélie. Un long trajet utilisé pour étudier l'océan Austral,transporter les chercheurs estivants et la relève
des hivernants, et livrer vivres, carburants et courrier.
En quatre épisodes que nous publierons jusqu'à la fin de l'année au fur et à mesure de la progression de la mission,
l'envoyé spécial de Libération raconte le quotidien de ces hommes qui bravent le froid et la solitude pour percer les mystères de la planète.
C'est une salle à manger à la fois silencieuse et agitée, parfois traversée par quelque chaise vide. Dans le verre des convives pourtant sobres, l'eau prend des inclinaisons spectaculaires. Les yeux sont tournés vers le hublot où vient éclater une vague bleue à chaque embardée du navire. Un passager l'a surnommé «la machine à laver» pour détendre l'atmosphère. Mais le taboulé a du mal à passer. Vu de l'extérieur, c'est un bateau rouge de 65 mètres, traçant sa route coûte que coûte entre pluie d'écume et mer d'acier. Affrété par l'Institut polaire français Paul-Emile-Victor (Ipev), l'Astrolabe a quitté la Tasmanie le 14 octobre pour la première des cinq rotations entre Hobart et la base scientifique Dumont-d'Urville, basée sur une île proche du littoral Antarctique. Il y achemine vivres, matériel et une vingtaine de techniciens,