«J'ai sous les yeux les relevés des bouées du Pacifique équatorial central, l'anomalie de température est de 3 °C supérieure à la normale.» Pour Joël Picaut, océanographe à l'Institut de recherche pour le développement (1), pas de doute : «El Niño est de retour.» Déjà, il fait sentir ses effets en Australie, en Nouvelle-Calédonie, en Asie du Sud-Est et en Inde où les pluies montrent un net déficit.
Cet énorme phénomène océanique et climatique fit la une en 1997, lors de son dernier accès de fièvre. Des revues scientifiques, mais aussi de la presse générale. Car ses effets sont, lorsqu'il est costaud, ravageurs : pluies diluviennes sur le Pérou, météo humide en Californie et trop sèche dans les plaines à blé du Middle West, sécheresses en Australie et Indonésie, d'où des incendies géants, modification des trajectoires des cyclones, et, plus loin, perturbations climatiques en Afrique de l'Est, dans le golfe du Mexique ou en Amérique du Sud... Le lascar est donc surveillé de près, histoire d'être averti au plus tôt de son arrivée afin de s'y préparer.
Plancton en baisse. El Niño, rappelle, Joël Picaut, «c'est un problème d'eaux chaudes». Ou plutôt de leur déplacement. En situation normale, le Pacifique, tout au long de ses 12 000 kilomètres entre Amérique et Indonésie, est en pente. Pas moins de 60 cm d'écart, plus haut à l'ouest qu'à l'est. C'est que les alizés soufflent continûment vers l'Asie les eaux chaudes de surface. Résultat : l'océan atteint à peine 20 °C sur les côtes d