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«Nous voulions comprendre la vie»

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Prenant de vitesse leurs collègues, deux chercheurs posaient, il y a tout juste cinquante ans, les bases de la génétique moléculaire. Récit d'une course folle aux accents de roman d'aventures.
publié le 23 avril 2003 à 22h57

«Il y avait une course.» Le vieux monsieur parle par rafales. Il fixe le sol, front plissé, yeux mi-clos, visage presque douloureux. Brusquement, il lève la tête, l'air d'un gamin aux anges : «Il se trouve que nous l'avons gagnée. Les autres ont trébuché. Nous, non.» «Nous», c'est lui, James Watson, 25 ans à l'heure de la victoire ­ il y a un demi-siècle ­, et Francis Crick, de huit ans son aîné. Tous deux Nobel de médecine depuis 1962. Cette «course» fleure le roman d'aventure, avec ses cinq personnages sur la piste d'une énigme formidable pavée d'amitié et de détestation : deux détectives intrépides (James et Francis), un troisième homme austère (Maurice), un concurrent génial (Linus) et une jeune femme mystérieuse (Rosalind). Mais ces cinq-là étaient des fous de sciences qui ne cherchaient ni l'or ni l'amour, et encore moins un criminel : «Nous voulions comprendre la vie», résume James Watson.

Le 25 avril 1953, Francis Crick et James Watson ont livré au monde un dessin et un article, publiés dans la revue britannique Nature. Le dessin représente un escalier en colimaçon dont les rampes forment deux hélices courant en sens inverse, reproduction d'une maquette de fer construite dans leur labo. L'article «suggère» une structure en trois dimensions pour l'ADN, l'acide désoxyribonucléique, la molécule qui se trouve dans le noyau de toutes les cellules de tous les êtres vivants. Cette structure démontre que l'ADN est le support de l'hérédité. «Y a-t-il quelque chose de divin au