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Libération

Sourd et aveugle, le lapereau a du nez pour le lait

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Biologie. Découverte de la première phéromone alimentaire.
publié le 4 juillet 2003 à 23h40
(mis à jour le 4 juillet 2003 à 23h40)

Pas facile d'être un bébé lapin. On naît sourd, aveugle, et en compétition avec une douzaine d'alter ego en quête du mamelon vital de la mère lapine nourricière. Laquelle, pour comble, brille par son absence, offrant ses prestations maternelles avec une rigoureuse parcimonie, soit 0,35 % de son temps. Le guichet «tétée» des lapereaux est ouvert une fois par jour, durant quatre à cinq minutes, et rideau. Mère lapin disparaît, littéralement hors de portée. Mort garantie pour qui rate deux fois le passage de la laitière. Et pourtant, le petit d'Oryctolagus cuniculus (lapin, en latin) s'en sort, généralement. La mère approche, il plonge sa tête minuscule dans l'immense fourrure et trouve, en trois secondes, le téton. Par quel miracle ? Comment le néolapereau, qui n'entend ni ne voit, réussit-il à saisir le fugace objet de son désir ? Une équipe de biologistes de Dijon conduite par Benoist Schaal (CNRS) répond cette semaine, dans la revue britannique Nature : le lait qui s'écoule du mamelon de la lapine émet une molécule volatile que perçoit tout jeune lapin, et qui l'attire irrésistiblement droit au but.

Cette molécule n'est pas une simple odeur de lait, comme il en a été identifié chez l'homme. C'est un message moléculaire : une «phéromone», terme définissant toute substance volatile qui induit systématiquement un comportement sans apprentissage préalable. Des phéromones sexuelles ont été isolées chez les animaux, du mouton au papillon. Mais «c'est la première fois qu'une phérom