L'homme détient, dans le règne animal, le record absolu de la croissance lente : il faut en effet entre dix-huit et vingt ans pour fabriquer un adulte littéralement, un individu «qui a cessé de grandir», achevé le développement de son corps, cerveau compris. L'extrême longueur de l'enfance et l'adolescence humaines est une caractéristique fondamentale de l'espèce, fondatrice de ses capacités cognitives inégalées, distinctive des autres primates... et d'origine parfaitement inconnue.
Ce «propre de l'homme moderne» était-il déjà celui de ses ancêtres ? Un vieux crâne, exploré par Jean-Jacques Hublin (Max Planck Institute, Leipzig) et des chercheurs du laboratoire d'anthropologie des populations anciennes (université de Bordeaux), permet pour la première fois de placer les origines de la longue enfance humaine sur le calendrier de l'évolution des hominidés.
Comme un singe. Ce caractère serait une innovation récente. Homo erectus, direct prédécesseur d'Homo sapiens, mûrissait vite, comme un singe, ignorant les risques et bénéfices de la longue dépendance du petit d'homme. Telle est la conclusion d'une visite, par scanner et modèle statistique, de l'unique fossile de crâne de jeune hominidé, près de soixante-dix ans après sa découverte.
C'est en effet en 1936 que le paléontologue berlinois Ralph Koenigswald met au jour une toute petite boîte crânienne dans des sédiments vieux de 1,8 million d'années, situés à l'est de l'île de Java. Amené en Allemagne, le crâne sera bientôt identi