Professeur à l'université d'Orsay (Paris-XI), Jean-Pierre Bibring est responsable de la caméra Omega (Observatoire pour la minéralogie, l'eau, les glaces et l'activité) sur la sonde Mars Express lancée par l'Agence spatiale européenne. Ce spectromètre infrarouge a déjà cartographié les minéraux, à basse résolution, sur 68 % de l'ensemble de la planète mais surtout 95 % de l'hémisphère Nord où les vastes plaines étaient considérées comme la trace d'un ancien océan. Les satellites américains avaient cherché en vain les traces d'éventuels rivages. En découvrant qu'une seule portion de ces plaines abrite des roches susceptibles de s'être formées en présence d'eau, Omega porte un coup sévère à cet hypothétique océan boréal.
Vous publiez aujourd'hui dans la revue Science six articles fondés sur neuf mois d'observation de Mars. Que nous a-t-elle appris de nouveau sur l'histoire de la planète rouge ?
Le climat martien, aujourd'hui, est extrêmement froid et sec. L'eau, à la surface, ne se rencontre qu'à l'état de glace, surtout près des pôles. En a-t-il toujours été ainsi ou Mars a-t-elle connu un passé plus tempéré, permettant l'existence de lacs ou d'océans suffisamment longtemps pour y abriter, comme sur Terre, une évolution chimique complexe, voire biochimique ? C'est l'enjeu principal des recherches actuelles qui visent, en observant l'état de la planète aujourd'hui, à reconstituer son histoire, à découvrir à quel moment, et à quel stade, les évolutions de Mars et de la Terre ont