Sérignan-du-Comtat (Vaucluse) envoyée spéciale
A 56 ans, un homme réalise son rêve. Issu d'un milieu très pauvre, il a vécu jusque-là «sous l'étreinte du terrible souci du pain de chaque jour». Mais au prix d'un travail incessant, l'instituteur s'est imposé naturaliste, dans la solitude et en autodidacte, en marge des milieux scientifiques officiels. Son voeu est alors exaucé. «Quarante ans j'ai lutté avec un courage inébranlable contre les mesquines misères de la vie ; et le laboratoire tant désiré est enfin venu.» Un laboratoire ? Oui, rose aux contrevents verts. Caché dans un petit village du Vaucluse, à une trentaine de kilomètres d'Avignon, avec vue sur le mont Ventoux.
Hyménoptères. En 1879, à Sérignan-du-Comtat, Jean-Henri Fabre (1823-1915) s'achète une maison. «C'est là ce que je désirais, hoc erat in votis : un coin de terre, oh ! pas bien grand, mais enclos et soustrait aux inconvénients de la voie publique ; un coin de terre abandonné, stérile, brûlé par le soleil, favorable aux chardons et aux hyménoptères», écrit le célèbre savant. Ce domaine d'un hectare, il le baptise «l'Harmas» (terre en friche en provençal). Désormais classé monument historique et propriété du Muséum national d'histoire naturelle, il vient d'être rénové et rouvert au public (1).
Pour celui que Victor Hugo surnommait «l'Homère des insectes», il s'agit avant tout d'un «laboratoire d'entomologie vivante», où il pourra observer cigales, scarabées, bousiers,