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Libération

La manne pétrolière

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publié le 5 février 2008 à 2h13

Aujourd'hui, on utilise des plantes alimentaires pour produire de l'énergie motrice. Il y a cinquante ans, des industriels ont misé sur le projet contraire : transformer des hydrocarbures en produits alimentaires. Pour le bétail et même pour l'homme : c'est l'aventure du «bifteck de pétrole». Elle commence en 1958 dans un restaurant marseillais. Alfred Champagnat, directeur scientifique de la filiale française de British Petroleum (BP), a invité à déjeuner un de ses chercheurs, le microbiologiste Jacques-Charles Senez. «Et si on fabriquait des protéines alimentaires avec du pétrole ?» lance ce dernier. «Banco !» répond son patron, enthousiaste. Après tout, les levures sont des organismes comestibles, des usines à protéines qui se nourrissent du carbone du sucre. On pourrait bien en trouver qui se nourrissent d'hydrocarbures, raisonne le chercheur.

Jambons. En trois ans, avec l'aide d'une équipe fournie par le CNRS et financée par BP, Senez isole des souches de levures ad hoc et fait construire de gigantesques fermenteurs remplis de produits de raffinerie. Les levures mangent la paraffine - un résidu de la distillation du pétrole brut - et laissent un gazole plus pur. Double bénéfice au rendement remarquable : avec une tonne d'hydrocarbure, on obtient une tonne de levures, soit deux fois plus que lorsqu'on les cultive sur une mélasse. Ces levures contiennent jusqu'à 60 % de protéines, isolables sous la forme d'une poudre grisâtre «d'une excellente quali