«Je m'intéresse à la réforme des pratiques alimentaires dans les classes populaires. J'ai commencé à travailler sur ce sujet à l'occasion d'une recherche sur les consommations alimentaires des familles ouvrières au XIXe siècle. A cette époque, les intentions éducatives étaient morales avant d'être sanitaires. Certains pensaient qu'en maintenant les femmes au foyer et en leur donnant accès à une alimentation de qualité leurs maris rentreraient directement après le travail au lieu de passer par les cabarets. La bonne moralité des familles passait alors par le rétablissement du repas familial.
Aujourd'hui, l'heure est au «manger sain pour vivre mieux», avec, comme fer de lance gouvernemental, le plan national nutrition santé (PNNS), qui bénéficie d'une large promotion. Je regarde, au-delà des grandes intentions politiques, la mise en oeuvre concrète, sur le terrain, des recommandations nationales en matière d'alimentation. J'étudie la manière dont chacun des acteurs se réapproprie et transforme ces messages, et ce qu'il reste des discours sur la nutrition une fois que les personnes sensibilisées retournent dans leur cuisine.
J'ai ainsi observé divers groupes de personnes obèses recrutées dans des milieux défavorisés du nord de la France, essentiellement des femmes, qui participaient à des ateliers d'éducation nutritionnelle animés par des spécialistes, dans le cadre d'une association. Mon objectif était d'identifier et d'analyser les écarts éventuels entre le discours des spécial