Envoyée spéciale en Tasmanie (Australie)
La brume peine à se lever en ce matin d'été austral. Les nuages semblent accrochés aux rares eucalyptus encore sur pied dans cette exploitation forestière de Cradle Mountain, au centre de la Tasmanie. Au volant de son 4x4, Rodrigo Hamede ralentit à peine devant une famille de wallabies à cou rouge, occupés à mâchouiller des feuilles sur le bord de la route. La journée s'annonce froide, humide et longue : quarante pièges à relever, nettoyer puis réinstaller sur un parcours de près de trente kilomètres. Quarante pièges pour attraper des diables, le temps de les inspecter et de les relâcher. Diable : un nom étrange pour ces petits marsupiaux aux airs d'oursons, dont la queue rappelle celle d'un rat et dont les canines atteignent facilement les deux centimètres de long. Depuis la disparition du tigre de Tasmanie - cet autre marsupial qui n'avait de commun avec le tigre que son goût pour la viande et ses zébrures sur le dos - le diable est devenu la nouvelle mascotte de cet Etat insulaire australien. Et pour cause, il pourrait, comme son prédécesseur, être rayé de la carte de l'île, et donc du monde des vivants.
L'espèce est menacée par un cancer de la face qui ravage sa population depuis maintenant douze ans : une horrible tumeur se développe autour de leur gueule, et les animaux meurent en l'espace de quelques mois, soit du cancer même, soit parce qu'ils n'arrivent plus à se nourrir tellement leur mâchoire est déformée. Dans le Nord-Est du