«Vous allez à Dumont d'Urville ? Bonne chance avec l'Astrolabe.» Dans le port d'Hobart, en Tasmanie, cette rengaine revient sans cesse durant l'été austral. Aux terrasses des cafés du quai de Salamanca, on cause en français devant des bières australiennes. On parle de l'Antarctique, où certains viennent de passer plus d'un an de leur existence, mais le sujet préféré, c'est l'Astrolabe, le navire qui ravitaille la base scientifique de Dumont d'Urville. Le «Gastrolabe», comme on le surnomme ici. A peine a-t-on quitté de vue les derniers eucalyptus, que le sobriquet de ce bateau rouge et blanc prend sens. On renverse à tribord, on penche vers l'arrière, on s'élève à bâbord, puis l'on tombe sur l'avant. Et ainsi de suite, pendant les six jours que dure la traversée. 2 700 kilomètres, dans une mer déformée par les 40es hurlants puis les 50es rugissants, à bord de cet ancien ravitailleur de plates-formes pétrolières dont il semble avoir conservé l'odeur. De quoi transformer les passagers en zombies, ne sortant de leur couchette que pour chiper en vitesse un morceau de pain qu'ils dégobillent peu après. «Il faut être motivé, n'est-ce pas, pour faire carrière en Antarctique ?», fait remarquer Mireille Raccurt, une biologiste lyonnaise qui s'y rend chaque été pour étudier le métabolisme des manchots. Mais lorsque s'adoucissent les vents, que surgissent les premières cathédrales glacées derrière les vagues, que les manchots et les pétrels géants accompagnen
Matière grise sur continent blanc
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par Lise BARNEOUD
publié le 22 avril 2008 à 3h10
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