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Libération
Reportage

Il y a une fuite au Pôle Sud

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Climat. Les glaces de l’Antarctique filent de plus en plus vite vers l’océan. Reportage, sur le continent blanc, avec ceux qui mesurent le débit des glaciers pour prévoir l’élévation du niveau des mers.
publié le 24 juin 2008 à 4h00

Il faut s'imaginer un autre monde. Un monde où le minéral l'aurait emporté sur l'organique. Un monde de glace. Nous sommes à l'est de l'Antarctique, à une dizaine de kilomètres de la base scientifique française Dumont d'Urville, sur le glacier de l'Astrolabe. Sous nos chaussures dûment cramponnées s'étale une couverture bleuâtre épaisse d'environ 800 mètres, crevassée de rides. Au loin, on devine les icebergs tout juste détachés de cette immense rivière gelée. Ils commencent leur lente dérive dans le courant circumpolaire de l'océan Austral d'où ils rejoindront les océans du monde. L'hélicoptère qui vient de nous déposer n'est plus qu'une petite tâche noire à l'horizon. Il reviendra dans quatre heures. Quatre heures : le temps, pour les chercheurs, de récolter le maximum de données qui permettront de localiser la «ligne d'échouage du glacier», c'est-à-dire la frontière au-delà de laquelle le glacier ne repose plus sur le socle du continent et flotte sur la mer. La surveillance du flux de glace au niveau de cette ligne permettra en effet de savoir si les glaciers de l'Antarctique s'écoulent à une vitesse telle qu'ils participent à l'élévation du niveau des mers.

«Il faut voir l'Antarctique comme une gigantesque baignoire, explique Emmanuel Le Meur, du laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement de Grenoble. Il suffit de connaître la quantité d'eau qui y entre et le débit des robinets qui la vident pour faire son bilan de masse. S'il est négatif, l