Philippe Gros est responsable de la recherche et de l'expertise halieutique à l'Ifremer.
Comment va la mer ?
A en croire les rapports qui se succèdent depuis des années, mal, très mal. Fin 2007, l'Agence européenne de l'environnement a dressé un constat très préoccupant de l'état du milieu marin et côtier. Les pressions exercées sur ce milieu sont grandissantes.
Apparition de nouvelles espèces, mortalité de crustacés, surpopulation d'algues, pollutions en série. A quoi cela est-il dû ?
Tous les faits que vous mentionnez sont le résultat de phénomènes qui se manifestent en mer comme sur la terre. Ils sont l'effet d'un changement global qui va bien au-delà du changement climatique. Le réchauffement de l'Atlantique Nord modifie les limites biogéographiques de beaucoup d'espèces de poissons, c'est-à-dire les frontières des lieux où elles évoluent, se nourrissent, se reproduisent ; c'est entre autres le cas pour la morue. La fonte accélérée des glaces de l'Arctique - à l'été 2007, la banquise ne couvrait que la moitié sa superficie de 6 à 7 millions de km² du début des années 80 - a un fort impact sur l'évolution des courants océaniques et sur les mers nordiques. Mais la dynamique de l'exploitation des richesses des milieux marins est soumise à bien d'autres changements.
Lesquels?
L'océan est une source de richesses, en particulier d'aliments dont la demande mondiale ne cesse de progresser sous l'effet de la croissance démographique. C'est là aussi un facteur du changement global. Le seuil maximum de pêches a été atteint pendant la décennie 80, époque à laquelle l'aquaculture a pris son essor au taux de croissance de 10 % par an. En ou