Le prix Nobel récompense, pour la première fois, la recherche sur le sida. Entretien avec l’immunologiste Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS).
La découverte couronnée par le Nobel a été réalisée en un temps record. Quel a été le moteur de ce succès ?
C’est le résultat d’un travail d’équipe interdisciplinaire : des épidémiologistes, des virologues, des généticiens, des immunologistes s’y sont engagés. Les uns étaient chercheurs à l’institut Pasteur, à l’Inserm, au CNRS, les autres étaient médecins des hôpitaux de Paris. Il y a eu un va-et-vient constant entre la clinique et le laboratoire. Ce qui me frappe, c’est qu’il y avait beaucoup de jeunes dans ce groupe, dont Françoise Barré-Sinoussi qui est devenue une très grande dame de la recherche. Tous ont pris le pari de travailler sur cette maladie bizarre à laquelle personne ne comprenait rien. Ils ont émis l’hypothèse du virus. Ils ont trouvé les moyens de démontrer le rapport de causalité, ce qui a demandé beaucoup de ténacité et d’intelligence.
L’autre trait marquant, c’est la polémique avec le chercheur américain Robert Gallo. Que reste-t-il de cette controverse ?
Les considérations en jeu étaient extra-scientifiques. Il s’agissait de définir des droits sur les retombées d’une découverte. Je pense que cela a ralenti la marche non pas de la science, mais du Nobel. La consécration arrive après vingt-cinq ans, alors que le sida est une ma