«Je travaille sur la construction sociale du danger. Les crises comme la crise financière que nous vivons sont typiques. La société identifie sans aucun recul une source de danger, la relie à une pratique professionnelle qu’elle s’attache ensuite à modifier pour gérer le danger, toujours dans le même sens : plus de procédures, de «transparence» et de responsabilité. J’essaie donc de comprendre, concrètement, ce que ça change au niveau des pratiques professionnelles.
Pour saisir ce processus, j’ai étudié les abattoirs parce qu’ils ont été créés par Napoléon pour garantir la santé publique. L’Etat a décidé à ce moment d’administrer l’activité, mais ça ne s’est pas fait sans résistance. Je compare cette période à la crise de la vache folle où, à partir de 1996, de nouvelles règles sont définies. Mais cette fois l’Etat partage son pouvoir de contrôle avec des sociétés privées engagées dans une logique de marché. Qu’est ce que ça change sur le terrain, dans le monde du travail ?
Pour le comprendre, j’ai travaillé dans un abattoir plusieurs mois comme ouvrier, puis dans les bureaux, en pleine crise. C’est une manière de faire de la sociologie proche du journalisme d’investigation, dans la tradition de l’Ecole de Chicago.
J’ai commencé à un poste qui venait d’être créé : j’enlevais, au couteau, la moelle épinière qui était devenue un produit «à risque». J’embauchais à 3 heures du matin, finissais en début d’après midi, j’écrivais mon journal de terrain et je dormais. J’ai pu voir les