Antoinette Rouvroy est chercheuse au Centre de recherche informatique et droit (Crid) à l’université de Namur.
Quelle est votre première réaction devant ce projet d’une webcam mondiale, fenêtre ouverte, et actualisée chaque semaine, sur tout endroit de la Terre ?
Ces nouvelles possibilités technologiques favorisent et témoignent d'une reconfiguration de notre conception de l'espace. Et confirment l'actualité de l'analyse de Michel Foucault (1) quant au fait que «l'espace lui-même, dans l'expérience occidentale, a une histoire». Alors qu'au Moyen-Age, cette expérience passait par des notions de hiérarchies de lieux caractérisées par leur caractère sacré ou profane, d'accès ouvert ou restreint, cette possibilité d'une vision de l'espace global de la Terre met cette dernière, en quelque sorte, «à plat».
Dans le nouveau paradigme, la qualité profane ou sacrée des lieux importe moins : l'espace géographique «s'éprouve comme un réseau qui relie des points»,tous équivalents, tous potentiellement signifiants. Et, étant moi-même un point dans ce réseau, je veux savoir où je suis, où je vais. De la hiérarchie des lieux, on passe à un système où tous sont comme juxtaposés dans une simultanéité. C'est alors toute l'intelligibilité du réel qui est transformée. La Terre et son image appartiendront, en apparence, à tout le monde. Mais à qui vont-elles appartenir réellement ? Cela suscite un énorme intérêt… et un malaise tout aussi grand.
Pourquoi ce malaise ?
A l’idée de savoir que l’on est peut-être en train de m’observer, de là-haut, même si je suis difficile à identifier, ma première idée est de m’abriter sous un toit… Surtout si l’o