«J’
essaie de faire parler les outils et armes de pierre inventés par les hommes anciens. En étudiant ces artefacts, je tente de retracer l’évolution des techniques, des migrations, avec une question en tête, plutôt actuelle: comment des populations humaines se sont-elles adaptées à leur environnement naturel? Celui, en l’occurrence, de l’Asie du Sud-est, où je travaille depuis quinze ans.
«Cette partie du monde est passionnante car elle est très riche de témoignages: elle est occupée depuis au moins un million d'années par une diversité étonnante d'humains, d'Homo erectus à l'homme de Flores. Et elle est très mystérieuse: en comparaison avec l'Europe ou l'Afrique, sa préhistoire a été peu étudiée, alors même qu'elle est le creuset de civilisations majeures.
«Affecté à Jakarta, j’ai entrepris de nombreuses fouilles au cours de la dernière décennie, mais l’étude qui m’a bouleversé a été celle menée chez les hommes fleurs, habitants de l’ile indonésienne de Siberut, à quinze heures de bateau de Sumatra. Là, pas d’électricité, des touristes rarissimes, un environnement hostile.
Ses 6000 habitants, chasseurs-cueilleurs, sont considérés, en Indonésie et au-delà, comme « des gens du passé », des vestiges du néolithique. Mythe ou réalité? Telle était la question à l'origine de cette recherche qui a duré quatre ans, soutenue par l'Unesco et l'IRD (Institut de recherche pour le développement). Y répondre était un défi pour un préhistorien car cette île est un vaste marécage