Comme des points d'interrogation géants dans la brousse épineuse, elles vont, altières et nonchalantes : une mère et son gracile girafon, la tête dans les feuilles d'un gao, un grand acacia. Depuis Niamey, il n'a fallu qu'une heure trente de route pour atteindre, au sud-est de la capitale du Niger, la région de Kouré. Les deux bêtes appartiennent au dernier troupeau de Giraffa camelopardalis peralta. L'espèce, reconnaissable à sa robe claire et ses pattes quasi blanches, a failli s'éteindre : elles n'étaient plus que 49 en 1996. Elles sont aujourd'hui plus de 200. Autrefois braconnées ou, au mieux, méprisées, ces animaux sont devenus le porte-drapeau de Kouré, sinon du Niger. Ce retournement de destinée est bien plus qu'un sauvetage : une mini-révolution culturelle qui a changé le quotidien des habitants de la région. Elle est le fruit de l'engagement d'une poignée de naturalistes - français et nigériens -, convaincus que le sort de la faune ne peut être délié de celui des hommes dont elle partage le territoire.
Pierre Gay, directeur du zoo de Doué-la-Fontaine, en Anjou, est depuis 2001 l'un des principaux soutiens de cette aventure naturaliste qui s'est muée, confie-t-il, en «aventure humaine». En cette fin février, alors que la lumière écrasante fléchit enfin, laissant une brise redessiner l'aride savane, il effectue l'une des deux visites annuelles sur le terrain. «Au XIXe siècle, les girafes étaient des milliers dans la bande sahélienne, du Sén