A l’occasion de la Journée mondiale de la biodiversité, le 22 mai, interview apocryphe d’un lanceur d’alerte oublié : le biologiste Roger Heim (1900-1979), directeur du Muséum national d’histoire naturelle de 1950 à 1965.
Vous avez organisé, en 1955, au Muséum une expo intitulée : «L’Homme contre la Nature». Pourquoi ce titre choc ?
Aujourd’hui que la puissance créatrice de l’évolution s’est amenuisée sans doute à tout jamais, maintenant que la Vie est vieille et l’Homme plus orgueilleux et plus destructeur que jamais, l’extermination de formes animales et végétales revêt la gravité d’une catastrophe. Elle marque l’une des plus grandes défaites de l’Homme.
N’êtes-vous pas trop alarmiste ?
Depuis deux mille ans, 110 espèces de mammifères ont disparu. Le XIXe siècle à lui seul en a exécuté 70 et depuis cinquante ans c'est 40 qui se sont éteintes par notre faute. Actuellement, de par le monde, 600 autres espèces de mammifères sont en voie de disparition. Certes, plusieurs de ces espèces sont arrivées en bout de course, incapables de s'adapter à des conditions nouvelles. Mais beaucoup plus nombreuses sont celles qui doivent leur extinction tout simplement et directement à l'Homme lui-même. Il a tué pour la fourrure, le cuir, l'huile, pour la chair elle-même.
La chasse excessive est-elle seule en cause ?
Non. L’extinction de tant d’espèces et de tant d’individus animaux et végétaux provient plus encore de la transformation des lieux où ceux-ci vivaient. La destruction de ce qu’on appelle l’habitat a entraîné tout naturellement celle des animaux et des plantes qui s’y trouvaient rassemblés. La disparition de la forêt notamment a entraîné celle de beaucoup de ce