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Interview

«Comment le cerveau devient-il toxicomane ?»

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Que cherchez-vous Pier Vincenzo Piazza ?
publié le 23 octobre 2010 à 0h00

Pier Vincenzo Piazza dirige le Neurocentre Magendie de l’Inserm à l’université de Bordeaux-II, un des plus grands laboratoires de recherches français sur la neurobiologie du comportement.

«Comment le cerveau devient-il toxicomane ? Je travaille à cette question depuis une vingtaine d’années. A l’origine, il y a une surprise : la science médicale ne reconnaît pas officiellement la toxicomanie comme une maladie. Elle laisse ainsi courir l’idée, populaire, que ce mal relève d’un comportement déviant, un vice engageant la volonté du sujet, et sur lequel la société peut agir par la prohibition et la répression. Les travaux menés au cours de la dernière décennie sur la neurobiologie des addictions, notamment dans mon laboratoire, montrent que cette conception est idéologique et non scientifique. La toxicomanie est une maladie qui se développe à la faveur de vulnérabilités physiologiques. Elle met en œuvre des modifications cérébrales tout aussi hors de contrôle du drogué que le sont les altérations immunitaires chez le sujet infecté par le VIH.

«Grace à des expériences sur le rat, corroborées par des études chez l’homme, nous avons montré qu’il y a une distinction fondamentale entre le consommateur régulier d’un psychotrope et le toxicomane, individu incapable de contrôler sa prise de drogue, et qui va la rechercher quoi qu’il en coûte pour sa santé, son travail, ses finances. Les deux comportements sont l’expression de deux vulnérabilités différentes du cerveau à la drogue. Dans le