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Interview

Les profils génétiques des livres

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publié le 20 novembre 2010 à 0h00

Spécialiste de Flaubert et plasticien, Pierre-Marc de Biasi dirige l’Institut des textes et manuscrits modernes (Item), une unité de recherche du CNRS et de l’Ecole normale supérieure, forte de 200 membres.

«A l’origine de mes recherches, il y a cette idée de "processus" née dans les années 70, avec le structuralisme : un écrit littéraire est le produit d’un "travail du sens", d’une fabrication, d’un processus générateur. Le texte n’est peut-être même que cela : la mémoire de ses métamorphoses, l’histoire des blessures qui lui ont donné naissance, ses cicatrices. Ce postulat a ouvert un formidable champ d’investigation : "la génétique des textes", une image qui renvoie à la biologie. Il s’agit de reconstituer l’évolution d’un écrit, depuis les notes jetées sur un carnet jusqu’aux ratures des dernières éditions, un peu comme on étudie l’évolution et la généalogie d’une espèce.

«Des millions de brouillons dorment dans les bibliothèques, légués par les auteurs dès la fin du XVIIIsiècle, quand l'écriture littéraire commence à se penser comme le travail d'un individu, comme l'œuvre géniale dont les traces attestent l'originalité. En 1881, Hugo offre ses papiers à la Bibliothèque nationale de Paris. En 1981, Aragon lègue les siens au CNRS : c'est l'origine de l'Item, le premier laboratoire de génétique textuelle.

«Le gisement de ces traces est immense : l’informatique alors naissante a fourni l’outillage pour traiter les milliards de mutations d’une œuvre. On peut désorm