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Libération
Interview

La souffrance de l’éleveur de porcs

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publié le 4 décembre 2010 à 0h00

Sociologue, Jocelyne Porcher est chargée de recherche à l'Inra. Elle vient de publier Cochons d'or, l'industrie porcine en questions (éditions Quae).

«J’enquête sur la relation de travail entre les hommes et les animaux, notamment en élevage. Pourquoi et comment travaille-t-on ensemble ? L’idée d’un tel lien paraît incongrue. Le travail est pensé comme un propre de l’humain, il l’émancipe… Et pourtant, cette relation de travail avec les animaux existe, et il est fondamental de l’étudier si on veut savoir ce que change l’industrialisation de l’élevage.

«Cette question m’est venue parce que j’ai été éleveuse avant d’être chercheuse. Quittant Paris pour le Sud-Ouest dans les années 80, j’ai fait de l’élevage, puis j’ai travaillé dans une porcherie industrielle en Bretagne. Là, j’ai découvert un monde violent, de souffrances, où l’animal est un objet dont la production doit être maximale en un minimum de temps et d’argent. Un exemple : on a sélectionné des truies qui font une trentaine de porcelets par an, presque le double que dans les années 70. C’est souvent plus que ce qu’elles peuvent nourrir. Résultat, l’éleveur doit tuer des porcelets en les balançant parfois contre les murs. Comment vit-il cet absurde travail de mort ? C’est une question qui m’a hantée quand j’ai entrepris les études qui m’ont conduite d’un BTS à un doctorat et à la recherche.

«Je suis alors retournée sur le terrain pour questionner les éleveurs sur leur métier. Typiquement, un producteur de porcs