Observer une glace millénaire transformer son whisky en boisson pétillante peut conduire droit à Matignon. Pour un tête-à-tête avec le Premier ministre en exercice, Michel Rocard donc, puisque la scène se situe en 1987.
La vie de Claude Lorius, 78 ans, narrée dans Voyage dans l'anthropocène, offre ainsi de formidables raccourcis pour penser l'avenir de l'homme sur une planète en transformation raide… du fait de l'homo faber, le successeur de sapiens. La parabole du whisky et du Premier ministre «est authentique», s'insurge le scientifique devant le soupçon d'avoir inventé cette trop belle histoire à des fins de communication. Eté austral 1965. Claude Lorius se trouve en Antarctique, une nouvelle fois puisque son premier hivernage - légendaire, à trois dans la station Charcot - remonte à 1957, «l'Année géophysique internationale». Un soir, fourbu, le glaciologue grenoblois fait la pause whisky avec Bill Budd, un collègue australien. La journée fut rude. La glace forée à 100 mètres de profondeur et donc vieille de plusieurs milliers d'années, se fait récalcitrante et le carottier peine. Dépit, défi… d'un geste en rupture avec la minutie et le sérieux sans lesquels ces expéditions scientifiques en milieu hostile peuvent rapidement virer au drame, ils jettent quelques glaçons pris au fond du forage dans leurs verres. Un fort crépitement s'en échappe alors, avec moult bulles. Cette glace, formée par compression de la neige, a emprisonné l'air da